Hyperéosinophilie

Comment soigne-t-on l'hyperéosinophilie dont la cause est identifiée ?

Comment soigne-t-on l'hyperéosinophilie dont la cause est identifiée ?

Si une cause classique d'hyperéosinophilie est retrouvée, elle doit être traitée. Par exemple, une infection parasitaire sera traitée par des médicaments anti-parasitaires (souvent un traitement très simple et bien toléré, de courte durée, par la bouche), une allergie médicamenteuse sera soignée par l'arrêt du médicament, un cancer du poumon sera traité par chirurgie, chimiothérapie et/ou radiothérapie.
Si le traitement est efficace, l'hyperéosinophilie disparaitra. Il peut arriver qu'on y associe un traitement bref à base de cortisone, et ce pour faire baisser le taux d'éosinophiles plus rapidement, si le médecin juge que les éosinophiles causent des dégâts préoccupants au niveau des tissus.

Le traitement des maladies inflammatoires chroniques plus rares repose souvent sur la cortisone et/ou d'autres médicaments immuno-suppresseurs (qui diminuent la réponse immune).
La leucémie chronique à éosinophiles répond mal à la cortisone. Par contre, dans presque tous les cas, elle répond extrêmement bien à des petites doses d'imatinib mesylate (Glivec). Il s'agit d'un traitement très spécifique, qui s'attaque vraiment au défaut cellulaire à l'origine de la multiplication des éosinophiles. Ce traitement se prend par la bouche à faible dose, est efficace en quelques jours, et est très bien toléré.
Le traitement des autres maladies hématologiques est différent pour chacune d'entre elles et dépasse le cadre de ce résumé.

Comment soigne-t-on le syndrome hyperéosinophilique idiopathique?

Lorsqu'une hyperéosinophilie reste inexpliquée en dépit d'un bilan approfondi, il faut tout de même la soigner pour limiter, prévenir, et éventuellement revenir en arrière sur les dégâts qu'elle a occasionnés. On se basera sur le taux d'éosinophiles sanguins et les manifestations cliniques pour déterminer si le patient répond au traitement.
Au début du traitement, et tant que la situation n'est pas sous contrôle, les contrôles médicaux sont fréquents, et ce pour suivre plusieurs éléments : la réponse au traitement, la toxicité éventuelle du traitement, et la progression des complications ou l'apparition de nouvelles complications de l'hyperéosinophilie qui pourraient nécessiter un traitement symptomatique additionnel (par exemple une insuffisance cardiaque requiert l'administration de médicaments spécifiquement destinés à soutenir la fonction du coeur, en plus du traitement visant à réduire le taux d'éosinophiles).
Une fois que la situation est contrôlée, les visites peuvent être progressivement espacées.

On commence par la cortisone (Medrol, ou prednisolone en gélules fabriquées par le pharmacien), qui sera efficace dans la majorité des cas, et qui agit rapidement, endéans quelques heures ou quelques jours.
Les mécanismes d'action de la cortisone sont nombreux ; elle agit notamment en accélérant la mort des éosinophiles, et en réduisant la production de facteurs de croissance (dont l'interleukine-5) par les lymphocytes T.
Les effets secondaires de la cortisone sont nombreux et souvent bien connus du grand public : gonflement du visage, réduction de la masse musculaire, apparition de vergetures et fragilisation de la peau, hypertension artérielle, diabète, cataracte, glaucome, ulcère gastrique, décalcification des os (ostéoporose), et plus grande sensibilité à certaines infections, pour citer les plus fréquents.

1. En cas de réponse à la cortisone

En cas de bonne réponse à la cortisone, la dose sera réduite progressivement à la plus petite dose qui assure le contrôle de la maladie. Cette dose dite « de maintenance » sera alors poursuivie pendant quelques mois au minimum.
Si la cortisone est efficace mais que la dose de maintenance est élevée et/ou engendre d'importants effets secondaires, on aura recours à des traitements de deuxième ligne (appelés « traitements d'épargne cortisonique », car ils permettent de réduire la dose de cortisone nécessaire pour contrôler la maladie).

L'agent le plus souvent employé est l'hydroxyurée (Hydrea), car il est facile à prendre (comprimés par la bouche) et à prescrire (délivré sur ordonnance dans toutes les pharmacies), et est gratuit en Belgique. Ce médicament, utilisé pour le traitement de maladies hématologiques telles que la leucémie myéloïde chronique ou la thrombocythémie essentielle (élévation anormale du taux de plaquettes), agit en réduisant la production d'éléments sanguins dans la moëlle osseuse, y compris les éosinophiles.
Les principaux effets secondaires sont la toxicité hématologique, avec une baisse excessive des globules blancs, globules rouges, et/ou plaquettes. Les patients peuvent également présenter une intolérance digestive avec inconfort du ventre, perte d'appétit, nausées, diarrhée, et/ou aphtes dans la bouche.

L'interféron-alpha est également utilisé pour traiter le syndrome hyperéosinophilique idiopathique. Ce traitement agit au niveau des éosinophiles et au niveau des lymphocytes T, en « modulant » leurs fonctions. Il réduit la production d'interleukine-5 par les lymphocytes T par exemple, sans pour autant réduire les défenses immunitaires. Il appartient d'ailleurs à une famille de molécules que nous produisons naturellement pour combattre certaines infections virales, comme la grippe.
Cet agent est peu prescrit en Belgique pour traiter le syndrome hyperéosinophilique car il n'est pas remboursé dans cette indication et coûte plusieurs centaines d'euros par mois. De plus, il s'administre par injection sous-cutanée plusieurs fois par semaine, et les effets secondaires sont souvent mal tolérés. Parmi ceux-ci, un syndrome grippal (avec fièvre, frissons, douleurs musculaires, maux de tête) est celui qui mènera le plus souvent à l'arrêt du traitement.

Certains médicaments immuno-suppresseurs sont parfois essayés pour réduire la dose de cortisone, mais ils sont rarement efficaces et ont de nombreux effets secondaires : cyclosporine (Neoral), azathioprine (Imuran), cyclophosphamide (Endoxan).

Le mepolizumab (Nucala) est un agent qui cible très spécifiquement l'interleukine-5 (il se fixe à ce facteur de croissance et neutralise ses effets), qui a récemment été approuvé comme traitement pour l'asthme sévère à éosinophiles non contrôlé par les traitements habituels. Il s'est avéré être un traitement d'épargne cortisonique efficace dans le syndrome hyperéosinophilique, lors de l'administration par voie intraveineuse une fois par mois, dans le cadre d'une étude clinique. Cependant, il n'est pas encore disponible pour traiter cette maladie car il n'a pas été approuvé par les agences régulatrices (notamment la Food and Drug
Administration, ou FDA, en Amérique du Nord; et la European Medicines Agency, ou EMA, en Europe) dans cette indication. Il n'est actuellement disponible pour traiter le syndrome hyperéosinophilique que dans le cadre d'un programme compassionnel sur base d'une analyse de dossier individuel, pour les patients présentant une maladie considérée comme très grave (potentiellement mortelle), et pour laquelle les traitements classiques cités plus haut sont inefficaces et/ou mal tolérés.
Une nouvelle étude clinique évaluant l'efficacité de l'administration de mepolizumab par voie sous-cutanée chez les patients atteints de syndrome hyperéosinophilique est en cours de préparation.

2. En l'absence de réponse à la cortisone

Si le taux d'éosinophiles et les symptômes ne répondent pas, ou très partiellement, à la cortisone, la sélection d'un traitement efficace peut nécessiter plusieurs essais et changements de molécules sur une période de plusieurs mois, pendant lesquels les éosinophiles peuvent continuer à engendrer des dégâts. Un suivi médical rapproché est essentiel pendant cette période.

Les agents d'épargne cortisonique cités dans la section précédente peuvent parfois être efficaces, éventuellement en combinaison (par exemple, hydroxyurée et interféron-alpha).

Rarement, parmi ces patients, certains ont une mutation génétique acquise qui échappe à la détection (elle est invisible en utilisant les techniques dont nous disposons actuellement) et qui justifie un essai bref (un mois) avec l'imatinib mesylate (Glivec). La dose recommandée est plus élevée que pour la leucémie chronique à éosinophiles, et s'accompagne donc plus souvent d'effets secondaires, incluant un gonflement des jambes et des paupières, une fatigue, et une
toxicité au niveau de la moëlle osseuse.

Le mepolizumab n'a jamais été essayé chez des patients résistant à la cortisone dans le cadre d'une étude clinique. Il est cependant disponible dans le cadre du programme compassionnel cité plus haut, l'éligibilité du patient étant déterminée sur base individuelle après analyse du dossier.

Il arrive très rarement qu'un patient ne réponde à aucun des traitements pré-cités, et que l'hyperéosinophilie persistante continue à causer des dégâts importants (au coeur, au cerveau, aux vaisseaux sanguins par exemple) qui menacent la survie. La possibilité de faire une greffe de cellules souches (anciennement appelée transplantation de moëlle) à partir d'un donneur sain (soit un membre de la famille proche quand c'est possible, soit un donneur anonyme) doit alors être discutée. Cette procédure consiste à donner un traitement par chimiothérapie à doses élevées dans l'espoir de tuer toutes les cellules anormales dans la moëlle qui sont à
l'origine de l'hyperéosinophilie. Une conséquence (non voulue mais inévitable) de ce traitement est que les autres cellules de la moëlle nécessaires pour fabriquer des globules rouges, les bons globules blancs nécessaires pour nous défendre contre les infections, et les plaquettes seront aussi détruites. Il est alors nécessaire de fournir au patient des cellules saines (prélevées chez un donneur sain) qui vont remplir la moëlle et permettre de fabriquer des
nouveaux globules rouges, globules blancs, et plaquettes. Cette procédure expose le patient à un risque de nombreuses complications graves pendant la période où la moëlle n'est pas encore colonisée par les cellules du donneur, et sera donc réservée aux cas les plus graves.